Créé dans les années 60 par l’académie militaire de West Point pour sélectionner les meilleurs éléments, l’entretien annuel d’évaluation est aujourd’hui déployé dans toutes les grandes entreprises, pourtant certaines d’entre elles comme IBM, Deloitte ou Microsoft ont supprimé cet exercice. En effet, l’évaluation annuelle ne correspond plus ni aux modes de travail actuels et ni aux attentes des nouvelles générations.
L’entretien individuel d’évaluation, un modèle en perte de vitesse
On constate aujourd’hui dans l’Entreprise, que les projets itèrent plus vite alors qu’a contrario, leur nombre augmente de manière significative. Dans ce contexte, émergent naturellement des modes de travail plus collaboratifs et collectifs qui entraînent la multiplication du nombre d’interlocuteurs impliqués. L’agilité et la flexibilité sont au cœur du développement des entreprises. Dans ce contexte, le modèle d’évaluation annuel traditionnel s’affiche comme partiellement déconnecté de l’évolution naturelle des organisations et de ses modes de travail. Il se déploie toujours sur la base d’un rendez-vous annuel et est mené par un seul interlocuteur qui est classiquement le manager hiérarchique.
De plus, l’arrivée des générations plus agiles amènent la remise en cause naturelle du principe d’évaluation traditionnel.
Comment compléter ce système pour qu’il reste performant ?
Des feedbacks plus nombreux et plus fréquents.
Afin d’éviter l’effet « tunnel » d’un seul rendez-vous annuel sans échanges intermédiaires, certaines entreprises, comme General Electric, ont mis en place un système de « Touching points » qui permet aux managers et aux salariés d’échanger plus régulièrement et tout au long de l’année.
Cette approche répond parfaitement à une attente forte des collaborateurs qui demandent plus de feedbacks pour mieux se développer. Une étude HBR montre qu’« avec un feedback régulier et bienveillant, qu’il soit négatif ou non, 69% des collaborateurs interrogés expliquent qu’ils travailleraient plus dur pour leurs managers. »
Le feedback en continu apparaît comme une solution complémentaire au processus d’évaluation annuel. Il offre une plus forte fréquence des retours et implique à la fois une plus grande diversité et un plus grand nombre d’interlocuteurs.
Avec le digital, le déploiement d’un tel système est facilité et il devient dès lors aisé de demander et de donner du feedback. De plus, ces nouvelles technologies permettent de toucher un plus grand nombre de personnes, plus souvent, ce qui favorise l’implication de ces derniers au sein de l’entreprise.
Passer d’une culture de contrôle à une culture de développement
L’entretien annuel de performance, vise à évaluer l’atteinte effective des objectifs pour un salarié donné. Il constitue également très souvent le principalement lien avec la politique de rémunération et de promotion des salariés dans une entreprise. Il néglige en revanche bien souvent l’appréciation des compétences mises en œuvre ou à développer.
La recherche dit pourtant que pour créer une culture du feedback, les feedbacks doivent être centrés sur le développement des collaborateurs. La collecte de feedbacks permet la prise de conscience de ses points forst et de progrès. Comme nous le savons la prise de conscience est le premier stade de son développement.
Travailler les points forts en priorité
La théorie des points forts « strength based development » explique que développer ses points forts demande peu d’effort, peu de temps et permet d’obtenir d’excellents résultats. En revanche, améliorer un point de progrès est généralement plus long, plus laborieux et suivi de peu d’effets. Certaines entreprises ont d’ailleurs adopté cette théorie des points forts et imposent annuellement, pour chaque salarié, la fixation d’un objectif de développement qui s’appuie sur un point fort. Ainsi l’investissement individuel sur les axes de progrès est facilité et engage le collaborateur à se dépasser.
Donner les outils aux managers pour développer leurs équipes
Le rôle du manager est double : il doit évaluer son collaborateur sur ses contributions passées et contribuer à son développement dans la perspective de ses contributions à venir. En pratique dans l’entreprise, il est courant de constater que les managers, comme chez Facebook par exemple, sollicitent l’entourage du collaborateur pour obtenir du feedback en vue de la préparation de l’évaluation annuelle. Ceci permet au manager et à son collaborateur de travailler sur la base d’éléments concrets, mesurables et observables afin d’élaborer un plan de développement.
Le feedback régulier apparaît comme une pratique plus adaptée aux besoins de l’entreprise et des collaborateurs. Il est un levier majeur reconnaissance et favorise l’engagement des collaborateurs
Bertrand Ponchon
Co-fondateur de 5Feedback
Sources Cleveland, J. N., Murphy, K. R., & Williams, R. E. (1989). Multiple uses of performance appraisal: Prevalence and correlates. Journal of applied psychology, 74(1), 130., Harvard Business Review, Gallup.